Bien que dans nombre de systèmes d'enseignement d'Europe l'éducation sexuelle soit obligatoire, il y a toujours sur le continent des Etats - dont la Roumanie - où ce sujet suscite encore débats et controverses.
Aux termes de la loi n° 272 de 2004 sur la protection et la promotion des droits de l'enfance, en Roumanie « les organismes spécialisés de l'administration publique centrale et locale, ainsi que toutes les autres institutions publiques ou privées ayant des attributions dans le domaine de la santé sont obligées d'adopter, dans les conditions stipulées par la loi, toutes les mesures nécessaires pour que des programmes d'éducation à la vie, y compris d'éducation sexuelle, soient appliqués dans les écoles, afin de prévenir les maladies à transmission sexuelle et les grossesses non désirées chez les adolescentes. »
Les controverses que ce sujet suscite concernent le caractère obligatoire de cette discipline dans les écoles, les personnes censées l'enseigner, l'âge auquel l'éducation sexuelle doit commencer et le choix du terme par lequel celle-ci doit être désignée, si elle doit s'appeler «éducation sexuelle » ou « éducation à la santé ». Il y a même des associations qui s'opposent à l'introduction de l'éducation sexuelle dans les écoles. Et tout cela dans les conditions où la Roumanie est confrontée à un grand nombre de mères adolescentes et où, depuis 2004, au programme de l'enseignement public primaire et secondaire figure une discipline optionnelle - l'Education pour la santé - qui peut être enseignée depuis la première classe du CP jusqu'en terminale.
La démarche visant à introduire l'éducation sexuelle dans les écoles a démarré en 1999, à l'initiative de plusieurs ONGs qui ont travaillé, en collaboration avec le ministère de l'Education, à l'élaboration du Programme national d'éducation pour la santé dans les écoles de Roumanie, concrétisé par la suite dans ce cours optionnel incluant, entre autres, l'éducation sexuelle. Adina Manea, directrice de programmes de la Fondation « Des jeunes pour les jeunes », une des initiatrices de la démarche, explique: « L'éducation sexuelle fait l'objet du module « Education à la santé de la reproduction et aux valeurs de la famille », qui est un thème à part du cours optionnel d'Education à la santé. L'éducation sexuelle y est associée à de nombreux autres sujets : l'intelligence émotionnelle, l'expression des émotions, l'hygiène, l'anatomie et la physiologie du corps humain, ainsi qu'à la prévention des agressions et des accidents. Tous ces thèmes font partie de l'Education à la santé, telle que celle-ci a été conçue dès la début et où ils sont censés s'intégrer de manière harmonieuse, pour permettre une approche complexe, susceptible de répondre à tous les besoins des enfants en ce qui concerne un style de vie sain et responsable. »
14 ans après la création de cette discipline optionnelle, le nombre d'élèves qui y ont accès est assez réduit : «Selon les statistiques fournies par le ministère de l'Education, sur les 3.000.000 d'élèves des cycles primaire et secondaire qui apprennent dans des écoles publiques, 150.000 seulement - soit 5% - 6% de la population scolaire - bénéficient chaque année de ce cours optionnel, alors que même 10% seraient insuffisants. Et pourtant, c'est une des disciplines optionnelles les plus importantes, de grande envergure et de longue date, le projet ayant été appliqué, de manière expérimentale, entre 2001 et 2004 dans 15 comptés du pays. »
Iulian Cristache, président de la Fédération nationale des associations de parents de l'enseignement primaire et secondaire, est lui aussi d'avis que le nombre d'élèves qui bénéficient de ce cours est insuffisant :« Ce n'est pas que les parents ne choisissent pas ce cours, mais le plus souvent ils en ignorent l'existence, tout simplement. Ensuite, les cours optionnels sont prévus de manière à compléter le nombre de disciplines et d'heures de cours des élèves de l'école en question, ce qui n'est pas correct. On a besoin du cours d'Education à la santé, vu qu'il y a un nombre important de grossesses non désirées chez les adolescentes du secondaire. Seulement, je ne pense pas que l'on puisse envisager de faire de l'Education à la santé une discipline obligatoire. Tous les parents ne sont pas du même avis là-dessus et ils ne savent même pas ce qu'ils souhaitent. Nous aurions besoin de l'avis compétent des spécialistes de l'Institut des sciences de l'éducation, fondé sur les rapports de l'Institut de santé publique, pour savoir comment procéder. »
Les polémiques autour de l'éducation sexuelle dans les écoles ont également inspiré des artistes. Le Centre de théâtre éducationnel Replika a proposé le spectacle participatif « Tout est très normal ». Alexa Băcanu et Leta Popescu invitent les parents et les jeunes de 10 à 15 ans à un dialogue ouvert sur les changements qui surviennent à la puberté sur les plans physique, émotionnel et mental. Leta Popescu : « Alexa Băcanu et moi, nous avons été attentives à ce qui se passe autour de nous et avons réfléchi à la manière dont nous pouvons soutenir par le théâtre un certain genre de débat. D'ailleurs, au moment de créer quelque chose, je prends toujours en compte la pertinence, l'utilité de ce que je fais. A un certain moment de ce spectacle, de nombreux avis sont exprimés : un prêtre parle de l'éducation sexuelle, un parent s'y oppose, une mère se déclare pour, un psychologue exprime son avis. Un débat s'ensuit, les spectateurs devant voter « oui » ou « non ». Selon moi, tous les quatre ont raison. Certes, c'est un sujet très sensible et très délicat, mais nous devons avoir le courage de nous exprimer, de comprendre les aspects en question et ne pas défendre avec autant de véhémence un certain point de vue ou un autre. »
Qui enseigne les cours d'Education à la santé et implicitement l'éducation sexuelle dans les écoles? Voilà un des principaux sujets d'inquiétude pour les parents, car tout enseignant qui souhaite aborder ce sujet avec les enfants et les responsabiliser pour qu'ils adoptent un style de vie sain peut le faire - affirme Adina Manea. « Seulement, ces enseignants ont besoin d'une formation supplémentaire, car il ne s'agit pas tellement de transmettre de nouvelles connaissances et informations, mais de corriger celles que les élèves possèdent déjà, surtout ceux arrivés à l'âge de la puberté ou de l'adolescence et qui ont déjà à leur disposition des moyens d'information et peuvent chercher sur Internet. Il s'agit plutôt de transmettre des attitudes et un savoir faire. » (Trad.: Dominique)
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